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PARCOURS HISTORIQUE FRAG SUR LA MAIN

PARCOURS HISTORIQUE FRAG SUR LA MAIN

La Main est riche en histoire et on aime la célébrer! C’est pourquoi le boulevard Saint-Laurent et l’ATSA ont installé un circuit visuel qui témoigne des différents courants qui ont marqué l’histoire urbaine, sociale, culturelle et économique du boulevard. Concrètement, ce sont des plaques historiques installées à des emplacements où se mélange le Montréal d’aujourd’hui et d’hier.

FRAG symbolise les fragments d’histoire qui sont évoqués par ces plaques historiques.

Les textes sont fournis par les historiens Pierre Anctil, Susan D.Bronson, Catherine Browne et Bernard Vallée. Vous pouvez non seulement consulter les textes sur ce lien, mais aussi écouter l’audio-guide. Ceux qui préfèrent apprendre sur le terrain peuvent même le télécharger et s’aventurer sur la Main à la recherche des plaques (on vous donne quand même les adresses, fait plaisir!).

3495 Saint-Laurent (Coin Milton)

Il est difficile d’imaginer le carrefour Saint-Laurent et Sherbrooke au début du 19e siècle, alors qu’on était encore à la campagne. À l’emplacement de la désolante station-service d’aujourd’hui se dressait depuis 1818 l’opulente villa de l’armateur Thomas Torrance qui devint ensuite la propriété du brasseur John Molson et de sa famille jusqu’en 1910. Transformée en garage dans les années 1930, la villa fut ensuite détruite. D’autres riches Montréalais étalaient leurs somptueuses villas entourées de vastes jardins sur cette Côte-à-Baron qui dominait la vieille ville et ses faubourgs : la villa Notman est un des derniers de ces édifices remarquables. Construite en 1844 à la demande du juge William Collis Meredith, la demeure est devenue la propriété du célèbre photographe montréalais William Notman en 1876. En 1891 elle fut achetée par George Drummond pour y loger le St. Margaret’s Home for the Incurable et a été sauvée par l’action des citoyens du secteur qui se sont opposés récemment à sa dénaturation par un projet immobilier sans qualité.

Au début du 20e siècle, la construction de la synagogue Sharre Tfile sur la rue Milton marqua les débuts de la migration de la communauté juive des vieux quartiers vers les faubourgs plus au nord, autour des manufactures, des ateliers et des échoppes qui s’établissaient le long de Saint-Laurent devenu boulevard en 1905. Dans les années 1950, la synagogue est devenue théâtre yiddish, le Melody Theatre, puis boîte à chanson, le Chat noir de Claude Léveillé, et enfin, des années 1960 au début des années 1990, cinéma de répertoire avec L’Élysée et le Cinéma Festival.  Après avoir accueilli le Business, la première boîte branchée du boulevard, l’usine Reitman’s devenait le siège d’une entreprise pionnière du multimédia, Softimage.

– Texte de Bernard Vallée

3590 Saint-Laurent (Coin Prince-Arthur)

La Main est riche en histoire et on aime la célébrer! C’est pourquoi le boulevard Saint-Laurent et l’ATSA ont installé un circuit visuel qui témoigne des différents courants qui ont marqué l’histoire urbaine, sociale, culturelle et économique du boulevard. Concrètement, ce sont des plaques historiques installées à des emplacements où se mélange le Montréal d’aujourd’hui et d’hier.

FRAG symbolise les fragments d’histoire qui sont évoqués par ces plaques historiques.

Les textes sont fournis par les historiens Pierre Anctil, Susan D.Bronson, Catherine Browne et Bernard Vallée. Vous pouvez non seulement consulter les textes sur ce lien, mais aussi écouter l’audio-guide. Ceux qui préfèrent apprendre sur le terrain peuvent même le télécharger et s’aventurer sur la Main à la recherche des plaques (on vous donne quand même les adresses, fait plaisir!).

– Texte de Bernard Vallée

3619 Saint-Laurent (En haut de Prince-Arthur)

C’est à deux pas de la rue Saint-Laurent, qui n’était pas encore  » boulevard « , qu’Émile Nelligan va écrire toute son exceptionnelle oeuvre poétique pendant les quatre ans de sa courte vie littéraire.

Né en 1879 dans la maison de ses grands-parents irlandais sur la rue De la Gauchetière, il déménage en 1886 avec sa famille au 112 (aujourd’hui 3686) de l’avenue Laval, près du square Saint-Louis, puis, à partir de 1892, au 260 (3958) de la même avenue, près de la rue Napoléon. Émile occupe une petite chambre à l’étage où il écrit fébrilement sous la protection inquiète de sa mère et la désapprobation agressive de son père. Ah ! comme la neige a neigé ! / Ma vitre est un jardin de givre. / Ah ! comme la neige a neigé ! / Qu’est-ce que le spasme de vivre / À la douleur que j’ai, que j’ai !

Au 543 (3639-3641) de la rue Saint-Laurent, habite Arthur de Bussière, peintre d’enseignes, mais aussi poète, le bohème à l’état pur, la fantaisie, la générosité totale de l’esprit, ami de Nelligan et membre comme lui d’un cercle de jeunes poètes d’avant-garde, l’École littéraire de Montréal. C’est dans la chambre d’Arthur qu’Émile se réfugie fréquemment pour fuir la colère de son père frustré de le voir s’écarter du chemin tout tracé d’employé des Postes. Avant d’être enfermé à 20 ans et jusqu’à la fin de ses jours derrière les murs de l’asile, Émile dérive dans la ville avec son ami, à travers rues et ruelles, port et tavernes, parvis d’églises et cimetière, de l’avenue Laval à la Main.

– Texte de Bernard Vallée

3653 Saint-Laurent (En haut de Prince-Arthur)

James Baxter est un homme d’affaire d’origine irlandaise. Établi à Montréal depuis 1877, il avait ses bureaux au 120 de la rue Saint-François-Xavier, au coeur du quartier des affaires de l’époque. Surnommé  » Diamond Jim  » à cause de ses activités de courtage en diamants, il dirigeait également une des plus importantes banques privées du Canada, la banque Ville-Marie. Ses activités dans le domaine de la promotion immobilière le conduisirent à embaucher le jeune architecte Théodore Daoust pour dessiner ce qui allait devenir le Baxter Block. Au coeur de l’axe de la rue Saint-Laurent en plein essor, le projet initial prévoyait 28 magasins et un théâtre de 2 500 places qui ne sera jamais construit. L’édifice néo-roman multifonctionnel à 14 sections de trois étages donne l’apparence d’un immeuble de prestige et représente un des premiers  » centres d’achat  » en même temps qu’un centre de manufactures et de bureaux.

Celui qui a doté la Main d’un de ses plus beaux édifices commerciaux et qui était pourtant connu pour sa philanthropie fut tenu responsable, en 1900, de la disparition de 40 000 $ de sa banque. Il fut jugé et condamné à 5 ans d’emprisonnement au terme desquels il décéda à l’âge de 66 ans.

– Texte de Bernard Vallée

3662 Saint-Laurent (En bas d’avenue des Pins)

Craignant des attaques venant du côté de la terre ferme, les autorités françaises entreprennent à partir de 1717 la construction d’une fortification tout autour de la ville déjà existante, soit en gros le Vieux-Montréal actuel. L’ouvrage défensif couvre un périmètre de 3500 mètres et oppose sur tout son long aux ennemis potentiels un mur d’une dizaine de mètres de haut, le tout conçu par l’ingénieur Chaussegros de Léry. Cette enceinte ne contenait qu’une seule porte sur le flanc nord, plus vulnérable sur le plan militaire, appelée la Grande Porte Saint-Laurent, complétée en 1732. Elle donne accès à une petite route, tracée en 1717 et portant le nom de chemin Saint-Laurent, qui s’élance vers le nord et les hautes terres agricoles de l’Œle de Montréal. C’est ce petit chemin, entouré à l’époque de terres cultivées et de verdure, qui allait devenir au bout de trois siècles d’évolution historique, le boulevard Saint-Laurent actuel.

– Texte de Pierre Anctill

3710 Saint-Laurent (Coin Guilbault)

Le samedi, l’hiver était sur le point d’arriver : lumière grise. Lydia est entrée dans le bar, peau picotant de plaisir dans le souffle de chaleur parfumé au tabac et au café. Manteau d’homme usagé en poil de chameau. Sous le bras, les pages artistiques du Devoir. Elle espérait que la belle D., dont les cheveux roux lançaient des flammes, hiver comme été, quand elle pédalait sur la Main, ne s’arrêtait pas pour un brin de causette après sa petite séance de natation à la piscine des Bains Schubert.

– Texte de Gail Scott

3725 Saint-Laurent (Coin avenue des Pins)

En 1792, la Montréal est presque toute entière contenue à l’intérieur d’une fortification qui date du Régime français et qui étouffe le futur développement de la ville. Ces murs seront d’ailleurs bientôt démolis pour faciliter l’essor du peuplement et l’expansion urbaine. Cette année-là, les autorités anglaises décident de porter les limites de Montréal jusqu’à 2 kilomètres plus au nord, soit jusqu’à l’actuelle rue Duluth. Au même moment elles décrètent que le chemin Saint-Laurent, la future Main, deviendra la ligne de démarcation administrative entre la partie est et la partie ouest de la ville. Commence alors dans les faubourgs au pied du Mont-Royal un processus d’urbanisation qui ouvre la voie cent ans plus tard au peuplement du Plateau Mont-Royal et du quartier Mile-End. En 1996, dans un souci de préservation de ces quartiers à grande valeur patrimoniale, Parcs Canada déclarait le boulevard Saint-Laurent lieu historique national.

– Texte de Pierre Anctil

3826 Saint-Laurent (En haut d’avenue des Pins)

En octobre 1905, les élus municipaux donnent de façon officielle à la Main le titre de boulevard, ce qui montre bien l’importance stratégique que l’artère joue alors dans la vie montréalaise. La même année, la numérotation des adresses civiques de Montréal est revue et l’on divise les rues transversales d’est en ouest à partir du boulevard Saint-Laurent. Des tramways sillonnent le boulevard Saint-Laurent du nord au sud depuis la fin du XIXe siècle et l’achalandage ne cesse de s’intensifier sur cette voie à la fois commerciale, résidentielle et chargée de significations culturelles. Au milieu des années cinquante, pour décongestionner la Main, les tramways sont remplacés par des autobus et l’administration décide d’imposer la circulation à sens unique vers le nord.

– Texte de Pierre Anctil

3861 Saint-Laurent (En haut de Roy)

Une importante vague migratoire juive en provenance de Russie arrive à Montréal entre 1900 et 1914. Souvent démunis et ne parlant que le yiddish, ces Juifs s’installent d’abord près du port puis montent le long de l’axe du boulevard Saint-Laurent jusqu’au Plateau Mont-Royal, où ils forment la majorité de la population entre les deux guerres. Un foisonnement de commerces, de synagogues et de lieux culturels juifs a alors lieu dans ce quartier qui attire l’attention des secteurs les plus conservateurs et les plus repliés de la société canadienne-française. Des campagnes en faveur de « l’achat chez nous » s’organisent et paraissent au cours des années trente quelques journaux fortement hostiles à la présence juive au Québec. D’autres francophones découvrent au contraire la richesse de la contribution juive à la société québécoise, tel Yves Thériault qui publie en 1954 un roman intitulé : Aaron décrivant des Juifs de Montréal.

– Texte de Pierre Anctil

3863 Saint-Laurent (En haut de Roy)

La vocation commerciale du boulevard Saint-Laurent va s’affirmer dans la première partie du 20e siècle. On n’y trouve pas de grands magasins comme sur la rue Sainte-Catherine, mais une grande diversité de magasins de gros et de détail reflétant les origines de la population environnante. Si beaucoup d’immigrants européens, tout particulièrement les juifs d’Europe de l’Est, trouvèrent des emplois dans l’industrie de la confection, d’autres gagnèrent leur vie comme petits commerçants et plusieurs commencèrent comme colporteurs ou peddlers. Avec une charrette ou un traîneau l’hiver, tirés par un cheval, ces marchands ambulants vendaient sur la rue ou au porte-à-porte des fruits ou des légumes, du poisson ou de la volaille.

Le magasin d’alimentation Warshaw a été fondé en 1935 par le Juif polonais Florkivitch, qui avait débuté son commerce comme vendeur de légumes ambulant. Comme d’autres immigrants désireux d’améliorer leur sort, il ouvrit avec son épouse un magasin sur la Main et lui donna le nom de la capitale de son pays d’origine, Varsovie (Warsaw en anglais). Une erreur de transcription restera définitivement sur l’enseigne. Warshaw Bargain Fruits Market, qui fut d’abord une petite boutique de fruits et légumes, s’agrandit considérablement en un vaste magasin d’alimentation qui développa plus tard une section de vaisselle et tapis. Aujourd’hui disparu de la Main, Warshaw existe à nouveau sous la forme d’un magasin d’objet de décoration près du marché Atwater.

– Texte de Bernard Vallée

3886 Saint-Laurent (En haut de Napoléon)

Le tronçon de la Main situé entre la rue Prince-Arthur et la rue Rachel constituait entre les deux guerres le coeur de la vie juive à Montréal. On y retrouvait toute une série de commerces, de restaurants et de lieux de prière qui vibraient au rythme des fêtes juives, de la langue yiddish et des traditions est-européennes. Le passant peut encore aujourd’hui observer d’importantes traces de ces réalités aujourd’hui plus atténuées depuis que les populations juives ont émigré dans la ville vers les quartiers de Snowdon puis plus tard vers les municipalités de Côte-Saint-Luc et Hampstead. C’est le cas notamment sur la Main de la fabrique de monuments funéraires Berson, fondée en 1922, et du restaurant Schwartz, ouvert en 1929. Né dans le quartier en 1931, l’écrivain Mordecai Richler a décrit ce milieu avec beaucoup de bonheur et de mordant dans ces romans The Apprenticeship of Duddy Kravitz, Saint-Urbain’s Horseman et The Street.

– Texte de Pierre Anctil

3899 Saint-Laurent (En haut de Napoléon)

Le tronçon de la Main situé entre la rue Prince-Arthur et la rue Rachel constituait entre les deux guerres le coeur de la vie juive à Montréal. On y retrouvait toute une série de commerces, de restaurants et de lieux de prière qui vibraient au rythme des fêtes juives, de la langue yiddish et des traditions est-européennes. Le passant peut encore aujourd’hui observer d’importantes traces de ces réalités aujourd’hui plus atténuées depuis que les populations juives ont émigré dans la ville vers les quartiers de Snowdon puis plus tard vers les municipalités de Côte-Saint-Luc et Hampstead. C’est le cas notamment sur la Main de la fabrique de monuments funéraires Berson, fondée en 1922, et du restaurant Schwartz, ouvert en 1929. Né dans le quartier en 1931, l’écrivain Mordecai Richler a décrit ce milieu avec beaucoup de bonheur et de mordant dans ces romans The Apprenticeship of Duddy Kravitz, Saint-Urbain’s Horseman et The Street.

– Texte de Pierre Anctil

3930 Saint-Laurent (Coin Bagg)

Simcha Leibovich, un épicier qui a tenu boutique sur le boulevard Saint-Laurent pendant près de 60 ans, est mort la semaine dernière. Il avait 75 ans. M. Leibovich était propriétaire de l’épicerie Simcha’s, à l’angle de la rue Napoléon, un commerce qui n’a pratiquement pas changé depuis son ouverture, il y a près de 40 ans. Auparavant, il avait tenu un étal à l’ancien marché Saint-Jean-Baptiste, à l’angle de la rue Rachel. Mort d’une complication liée à un problème aux reins, M. Leibovich a travaillé jusqu’aux derniers jours de sa vie. Sa femme et associée, Fanny Schwartz, était morte en février 2004. Depuis quelques jours, les résidents et commerçant du quartier ont commencé à venir coller des notes manuscrites sur la vitrine de l’épicerie : « Merci et au revoir », « Vous allez nous manquer », « Reposez en paix, Simcha ». Ghislain Dufour, directeur de la Société de développement du boulevard Saint-Laurent, allait souvent bavarder avec M. Leibovich. « Sa femme est décédée lors d’un voyage en Floride. Ça a été très dur pour lui, et il s’ennuyait beaucoup d’elle. Sa femme était son associée, sa confidente, son amie… Ils étaient toujours ensemble, pendant 50 ans. » Né en Roumanie, M. Leibovich a immigré au Canada après la guerre, en 1946. Lui et sa femme ont ouvert leur première épicerie sur la Main en 1948, au marché Saint-Jean-Baptiste, là où se trouve aujourd’hui le parc des Amériques. En 1966, l’administration Drapeau a décidé de fermer les lieux dans le but de « nettoyer » la ville pour l’exposition universelle, l’année suivante. C’est alors que le couple a ouvert une épicerie dans le local qu’elle occupe encore aujourd’hui.  Johnny Gonsalves, coupeur chez Schwartz’s depuis 31 ans, connaissait M. Leibovich. « Il lui arrivait de venir manger ici. Il se sentait seul depuis le décès de sa femme. Ils étaient inséparables, ces deux-là. » M. Leibovich avait acquis une certaine notoriété sur la Main. Ce qui ne lui est jamais monté à la tête. La Société de développement du boulevard Saint-Laurent lui a déjà demandé de coucher ses meilleurs souvenir sur papier, ce à quoi il a répondu avec un haussement d’épaule : « Moi? Je suis juste un gars qui vend des patates. »

– Texte de Nicolas Bérubé

3936 Saint-Laurent (Coin Bagg)

Au coin de la Main et de la rue Bagg, le passant se trouve invité à entrer dans un bain public montréalais construit en 1931 par le conseiller municipal Joseph Schubert et qui porte son nom. Rénové en 2000, l’édifice témoigne d’une époque où plusieurs habitants du boulevard Saint-Laurent ne bénéficiaient pas de l’eau courante ni d’équipements sportifs gratuits. D’abord élu en 1924, Schubert, qui était d’origine juive roumaine, se fit pendant près de quinze ans le porte-parole à l’hôtel de ville des travailleurs de la confection et des syndicats actifs dans le domaine du vêtement. Partisan du socialisme et admirateur de Karl Marx, il représentait un courant idéologique au sein de la communauté juive qui se souciait vivement de la situation des masses populaires. Pour ceux qui poursuivront jusqu’à la rue Clark, s’offre au regard à cette intersection la dernière synagogue encore active dans le quartier et qui porte le nom Beth Shloïme ou Maison de Salomon. Modelée au début des années vingt à partir d’un édifice déjà existant, la synagogue incarne la piété et l’attachement au judaïsme des Juifs est-européens qui s’installèrent sur ce tronçon de la Main au tournant des années dix.

– Texte de Pierre Anctil

3981 Saint-Laurent (Entre Napoléon et Duluth)

Le boulevard Saint-Laurent a été pendant près de soixante ans le centre de la confection de vêtements au Canada, ce dont témoignent aujourd’hui des édifices très visibles dans le paysage urbain comme le Balfour érigé au coin de la rue Prince-Arthur, le Cooper près de la rue Bagg et le Vineberg situé à l’angle de la rue Duluth. Dans cette industrie autrefois florissante, une grande partie des propriétaires et des travailleurs étaient d’origine juive, ce qui n’empêchait pas des ouvriers de toutes nationalités d’y travailler, dont au cours des années trente un grand nombre de jeunes femmes canadiennes-françaises. Ce milieu a donné naissance à des mouvements ouvriers et à des conflits sociaux d’une très grande ampleur, dont la grève des midinettes de 1937 à laquelle participèrent des figures issues de la gauche comme entre autres Léa Roback. Aujourd’hui, ces grands bâtiments délaissés par les couturières et les tailleurs sont devenus un lieu de refuge pour les artistes et pour les entreprises de multimédia, maintenant florissantes sur la Main.

– Texte de Pierre Anctil

4040 Saint-Laurent (Coin Duluth)

L’édifice Berman est situé au coin nord-ouest de l’avenue Duluth et du boulevard Saint-Laurent. C’est l’un des premiers édifices en hauteur montréalais fait de béton armé et l’un des rares aux murs extérieurs aussi réalisés en ce matériau. Construit en 1912 par l’homme d’affaires juif Solomon Vineberg et conçu pour la manufacture de vêtements, une industrie en croissance sur la  » Main  » à l’époque, il abrite maintenant des lofts résidentiels et commerciaux. À l’origine, l’avenue Duluth s’appelait rue Saint-Jean-Baptiste, étant donné sa proximité à la frontière entre la ville de Montréal et l’ancienne municipalité de Saint-Jean-Baptiste, annexée par Montréal en 1886. La rue délimite alors le côté sud de Fletcher’s Field, dont la partie est s’appelle désormais  » parc Jeanne-Mance  » en l’honneur de la fondatrice du premier hôpital Hôtel-Dieu (dans le Vieux-Montréal) au XVIIe siècle. En effet, Fletcher’s Field, qui portait le nom du fermier engagé par le propriétaire William Hall, était aussi la propriété des soeurs hospitalières de Saint-Joseph, qui inaugurent en 1859-60 leur nouvel hôpital Hôtel-Dieu au sud du parc. La propriété est acquise par la Ville de Montréal aux alentours de 1870 pour faire partie du parc du Mont-Royal; l’avenue du Parc (auparavant la rue Bleury) la divise en deux en 1880. Vers la fin du XIXe siècle, son extrémité sud (au nord de l’avenue Duluth) faisait partie du premier terrain de golf de Montréal et sa partie nord accueillait un champ de course qui a aussi été utilisé pour des activités reliées aux expositions agricoles et industrielles sur le terrain d’exposition du Mile End (au nord de l’avenue du Mont-Royal), jusqu’en 1897. Ce n’est pas avant les années 1910 que Fletcher’s Field sera remodelé en parc et depuis il continue à être un lieu de divertissement populaire, de célébrations et d’activités sportives.

– Texte de Susan D. Bronson

4062 Saint-Laurent (Coin Duluth)

En 1907, un jeune immigrant polonais arrivé dans la vielle depuis seulement sept ans, Hirsch Wolofsky, décide de lancer un journal quotidien de langue yiddish, le Keneder Odler [l’aigle canadien]. Même si à l’époque le Canada accueillait chaque année plusieurs milliers de Juifs désireux de fuir le climat antisémite de la Russie impériale, la fondation d’un organe de presse yiddish à Montréal représentait un pari de taille sur le plan financier et communautaire. Tout naturellement le journal ouvre ses portes sur le boulevard Saint-Laurent, près de la rue Ontario. Le Keneder Odler n’en connait pas moins un grand succès et déménage bientôt dans un édifice construit spécialement pour lui, au 4075 du boulevard Saint-Laurent, juste au nord de la rue Duluth. Pendant plus de 50 ans, le journal de Wolofsky reflète fidèlement les aspirations, les espoirs et les difficultés des Juifs yiddishophones de Montréal, au point de devenir un point de repère obligé de leur identité collective.

– Texte de Pierre Anctil

4131 Saint-Laurent (Entre Duluth et Rachel)

Depuis de modestes commerces établis au début du XXe siècle jusqu’aux boutiques nouveau genre proposant les coupes les plus audacieuses, la Main a joué un grand rôle dans la création, la manufacture et la diffusion du prêt-à-porter au Canada. Plus que partout ailleurs à Montréal, le boulevard Saint-Laurent a réuni en un même lieu les artisans du vêtement dans toute la diversité de fonctions et de métiers que cette industrie comporte. Autrefois très investi dans des usines produisant sur une grande échelle, la Main offre plutôt aujourd’hui une vitrine fascinante de la mode contemporaine dans toute sa complexité et son éclat, ce qui n’empêche pas des commerces fondés il y a plusieurs décennies de continuer d’offrir leurs services aux passants et aux travailleurs spécialisés de la confection.

– Texte de Pierre Anctil

4244 Saint-Laurent (Entre Rachel et Marie-Anne)

Première grande vague migratoire de l’après-guerre, les Portugais commencèrent à arriver au Canada à partir de 1953 pour combler les besoins en main-d’oeuvre agricole et industrielle du pays. Originaires pour la plupart des îles Azores situées au milieu de l’Atlantique, ces immigrants s’installèrent dès le départ à Montréal sur le pourtour du boulevard Saint-Laurent, où ils prirent la place de populations juives en voie de se déplacer vers l’ouest de la ville. Les Portugais ne tardèrent pas au cours des années cinquante et soixante à fonder des commerces, des restaurants et des organisations socioculturelles qui donnèrent une nouvelle couleur à la Main et enrichirent son patrimoine. En 1975, en reconnaissance pour leur contribution exceptionnelle à la revitalisation et à la mise en valeur du Plateau Mont-Royal, l’Ordre des architectes accordait à la communauté un prix collectif.

– Texte de Pierre Anctil

4247 Saint-Laurent (Entre Rachel et Marie-Anne)

La rue Rachel, une artère importante dotée d’une piste cyclable très utilisée, relie le parc Jeanne-Mance et le parc du Mont-Royal au parc Lafontaine et se continue à l’est jusqu’au Jardin botanique et au parc Maisonneuve. La première section de la rue, à l’est du boulevard Saint-Laurent, a été construite en 1834, lorsque Jean-Marie Cadieux subdivise sa grande propriété. La rue est nommée en l’honneur de sa fille et devient rapidement la rue principale de la municipalité de Saint-Jean-Baptiste, annexée par la Ville de Montréal en 1886. Au coin nord-est du boulevard Saint-Laurent se trouvait le marché Jean-Baptiste, où est aujourd’hui le parc des Amériques. À l’est se situait l’église Saint-Jean-Baptiste, dont les origines datent des années 1870. À l’ouest, au 4170 de la rue Saint-Urbain, se trouve l’ancienne synagogue Chevra Shaas, l’un des témoins de l’importante population juive qui a habité ce quartier pendant les premières sept décennies du XXe siècle. Depuis 1972, elle abrite l’Association portugaise du Canada. Avec l’église portugaise et le centre communautaire Santa Cruz, de l’autre côté de la rue, elle forme le coeur symbolique de la communauté portugaise de Montréal, qui reste très présente dans le secteur. La rue Rachel se termine au parc Jeanne-Mance, mais son axe se prolonge à travers le parc jusqu’au monument George-Étienne Cartier et même au-delà, jusqu’à la croix au sommet du mont Royal. Ce monument, conçu par George Hill en 1914 en hommage à l’un des pères de la Confédération, a été inauguré en 1919. Couronné par un ange, il est sans conteste l’une des oeuvres d’art public les plus remarquables de la ville. Il est en restauration depuis 2005. Chaque dimanche d’été, les alentours du monument sont animés par des danses africaines rythmées par des tam-tam.

– Texte de Susan D. Bronson

4276 Saint-Laurent (Entre Rachel et Marie-Anne)

Au début du 20e siècle, la majorité des ouvriers qui travaillent dans les ateliers de confection du boulevard Saint-Laurent sont des immigrants juifs dont beaucoup ont quitté leur pays d’origine pour fuir la répression politique. Politisés et organisés, ces ouvriers vont créer des syndicats qui seront parmi les plus combatifs de Montréal et qui sauront rejoindre les ouvrières canadiennes-françaises lorsque celles-ci deviendront nombreuses dans les années 1930. Tout au long des années 1930, le secteur du vêtement est secoué par de graves conflits de travail. L’Union internationale des ouvriers du vêtement pour dames (dont les bureaux sont situés au 3575 boulevard Saint-Laurent) fait appel à de remarquables organisatrices, dont Rose Pesotta et Léa Roback, gr‚ce auxquelles la grève de 1937 se termine par une éclatante victoire.

D’autres militants juifs ont joué un rôle sur le plan politique. Fred Rose, électricien de son état, est élu au Parlement par la population de Cartier en 1943, devenant le seul député communiste de l’histoire canadienne. Sa carrière politique prend fin de façon brutale lorsqu’il est arrêté pour espionnage en 1945. Après avoir purgé une peine de six ans, il se retrouve profondément isolé à sa sortie de prison et retourne à Varsovie où il meurt en 1983.

– Texte de Catherine Browne

4355 Saint-Laurent (Coin Marie-Anne)

En 1834, la succession du notaire Jean-Marie Cadieux de Courville fait lotir sa terre et tracer les rues auxquelles on donne les noms de membres de la famille Cadieux : Rachel et Henriette Cadieux de Courville, filles du notaire et épouses des frères et très patriotes Chamilly et Chevalier De Lorimier ; Napoléon, fils de Rachel mort en bas âge comme bien des bébés nés à cette époque ; Marguerite Roy, épouse de Cadieux ; Marie-Anne Roy, soeur de Marguerite et épouse d’Hippolyte Cherrier. Les rues Prince-Arthur et de Bullion ont déjà porté les noms de Cadieux et de De Courville et les avenues de l’Hôtel-de-Ville et Coloniale ceux de Pantaléon et d’Hippolyte, les deux fils du notaire ! La rue Henriette disparaîtra à cause du développement plus rapide de Marie-Anne.

Au-delà de la barrière à péage qui marquait la limite nord de Montréal (la rue Duluth actuelle) jusqu’en 1886, on traversait le village Saint-Jean-Baptiste dont le coeur et les poumons étaient la place du marché (actuellement parc des Amériques) et le square Vallière (parc du Portugal). Le chemin Saint-Laurent qui traversait toute l’île de Montréal, de la vieille ville à la rivière des Prairies, voyait passer chariots de pierres taillées, charrettes de produits agricoles et diligences de voyageurs qui s’arrêtaient devant les hôtels côtoyant les maisons de ferme et d’artisans au pied des grands ormes.

L’arrivée du tramway, les  » p’tits chars « , bouleversa cette quiétude rurale et la Main industrieuse, immigrante et festive s’étendit vers le nord, transformant les anciens villages en quartiers grouillants de vie urbaine aux accents de l’Europe centrale juive, puis, plus tard, du Portugal, de Grèce, de l’Amérique du Sud et des Antilles.

– Texte de Bernard Vallée

4358 Saint-Laurent (Coin Marie-Anne)

Tout au long du XXe siècle, le boulevard Saint-Laurent a attiré à lui des écrivains d’origine juive, à commencer par les auteurs de l’école littéraire yiddish de Montréal qui avaient immigré après 1905 depuis la Pologne, la Russie, l’Ukraine et la Lituanie. Des poètes comme Jacob-Isaac Segal, Sholem Shtern, Ida Maze et Noah Gotlib ont ainsi chanté en yiddish entre les deux guerres les gloires de Montréal et décrit avec beaucoup d’empathie le quartier autour de la Main où ils habitaient tous. Ils ont été remplacés après 1945 par des auteurs juifs cette fois nés à Montréal et utilisant maintenant l’anglais, tels Abraham-Moses Klein, Mordecai Richler et Irving Layton, qui pour la plupart se sont employés à mettre en scène les paysages montréalais du Plateau Mont-Royal et ses habitants. Aujourd’hui, le parc du Portugal est toujours un lieu de résidence occasionnel pour le plus célèbre d’entre eux, Leonard Cohen, créateur de la chanson Suzanne et figure du mouvement folk international.

– Texte de Pierre Anctil

4404 Saint-Laurent (Entre Marie-Anne et Mont-Royal)

Forcée par les circonstances d’ouvrir une petite épicerie au 4419 du boulevard Saint-Laurent, Ida Steinberg ne se doutait guère en 1917 que son commerce familial deviendrait pendant plusieurs décennies la plus importante bannière au Québec dans le domaine alimentaire. L’héritier de la famille, Sam Steinberg, lança son entreprise sur la voie du succès en mettant au point à la fin des années trente les premiers supermarchés modernes à Montréal. Suivirent une longue série d’innovations qui culmineraient avec la construction dans toutes les villes du Québec de centres d’achats pourvus de stationnement gratuit. Au sommet de son expansion, Steinberg employait près de 25,000 personnes au Québec répartis dans plus de 200 épiceries et commerces de grande surface, presque tous des francophones. Malgré leurs origines juives, les épiceries Steinberg n’hésitèrent d’ailleurs pas au cours des années soixante-dix à se conformer rapidement aux exigences de la francisation et occupèrent ainsi une place unique dans la culture populaire des Québécois.

– Texte de Pierre Anctil

4475 Saint-Laurent (Coin Mont-Royal)

Au temps où l’avenue du Mont-Royal s’appelait le chemin du Mile-End, on trouvait à l’angle du chemin Saint-Laurent le premier b‚timent du célèbre Montreal Hunt Club, qui réunissait les adeptes montréalais de la chasse à courre. Les chenils et écuries du club se trouvaient près de l’intersection actuelle des avenues du Mont-Royal et De Lorimier. Le chemin du Mile-End réunissait le sinueux chemin des carrières et le chemin Saint-Laurent qu’empruntaient les lourds chariots chargés des pierres grises extraites sur le sommet du coteau Saint-Louis par les travailleurs qu’on appelait  » pieds noirs « , puis acheminées vers les chantiers des beaux édifices de la vieille ville.

Le premier des nombreux champs de courses hippiques qui s’établirent dans ce que nous appelons aujourd’hui le Plateau Mont-Royal fut le champs de course du Mile-End. Il faisait partie des attractions du terrain de l’Exposition provinciale qui, de 1878 à 1896, étalait ses pavillons entre les actuelles rues Duluth et Saint-Joseph. Un incendie détruisit ce vaste lieu où citadins et ruraux prenaient connaissance de l’avancement des savoirs et des techniques modernes de production, tout en se divertissant.

Au début du 20e siècle, deux autres lieux de plaisir se disputèrent les faveurs des Montréalais à proximité immédiate du carrefour de la Main et de l’avenue du Mont-Royal : un cinéma, le Belmount Moving Picture Theatre (1921-1959) aujourd’hui disparu, et l’Aréna Mont-Royal (1920-1937), domicile des Canadiens de Montréal. Des artistes du monde entier s’y produisent également, comme le ténor Caruso, et en pleine effervescence politique de la Grande Crise, le vaste édifice résonna souvent des accents de l’Internationale. Transformé en espace commercial, l’édifice sera rasé par un incendie en 2000.

– Texte de Bernard Vallée